samedi 22 octobre 2016

"Agatha" de Françoise Dargent

Tout le monde connaît Agatha Christie ! Mais que sait-on sur l'adolescente qu'elle était? Avec son roman Agatha, Françoise Dargent, grande admiratrice de la mère d'Hercule Poirot, nous livre quelques pans de son histoire! 

Agatha Miller vit seule avec sa mère depuis la mort de son père et le départ de son frère et de sa sœur, devenus adultes. Dans leur grande maison bourgeoise, seule trace de leur splendeur passée, Agatha s'ennuie un peu. Elle lit beaucoup pour passer le temps et s'évader mais elle manque souvent de compagnie. Secrètement, elle aspire à davantage de liberté et surtout à devenir chanteuse d'Opéra. Mais, quand on est une femme dans cette Angleterre édouardienne, difficile de décider seule de son avenir.
             
Sa mère, pourtant très affectueuse, est aussi très vigilante aux qu'en dira-t'on et à la bienséance, la bride quelque peu dans ses velléités. Elle va tout de même décider de partir à Paris avec Agatha pour la mettre dans une pension de jeunes filles afin qu'elle apprenne le français et la musique, tout comme sa sœur avant elle, et comme toute bonne famille se doit de faire à l'époque! A partir de là, de nouveaux horizons commencent à s'ouvrir pour la jeune fille, qui s'émancipe peu à peu. 
      
Cette biographie très romancée est un petit régal. On plonge dans l'Angleterre et le Paris de la Belle Epoque avec ravissement, et on découvre aussi la personnalité affirmée d'Agatha dans cette "bonne" société où il n'était pas simple d'être une femme. Par ailleurs, l'auteure égraine ici et là, quelques références aux futurs romans d'Agatha Christie et s'amuse à les distiller sur son passage! La lecture est plaisante et l'ensemble si bien documenté qu'on n'a qu'une envie après l'avoir terminé, replonger dans un bon roman d'Agatha Christie!

Agatha, Françoise Dargent, Hachette, 2016

vendredi 7 octobre 2016

"Et mes yeux se sont fermés" de Patrick Bard

Maëlle a 16 ans, elle est lycéenne au Mans. Elle vit avec sa mère et sa petite sœur, Jeanne. Avec un caractère fort et un grand désir de justice, personne ne pouvait présager qu'un jour elle se ferait embrigadée par Daesh. Comment une adolescente ordinaire peut-elle se retrouver mêlée à un combat qui se déroule à des milliers de kilomètres de chez elle? Comment quelqu'un d'équilibré et d'instruit peut-il sombrer dans l'obscurantisme et la violence, perdre tout sens critique, et se couper ainsi de la réalité? C'est ce que tente d'expliquer ce roman de Patrick Bard.

Je me méfie un peu des romans qui ont pour thème l'actualité brûlante peut-être à cause du manque de distance. Il n'en est rien pour ce roman. Et mes yeux se sont fermés traite certes d'un sujet brûlant mais sa forme, succession de témoignages de différentes personnes qui ont côtoyé Maëlle, permet cette mise à distance nécessaire évitant ainsi de sombrer dans le morbide.
 
Le roman commence par le témoignage de Maëlle, ou Ayat, puisqu'elle se nomme désormais ainsi. Elle raconte les raisons et les conséquences de son retour en France après son voyage en Syrie. Suivent les témoignages, de sa mère, de sa sœur, de ses amis ... sur la transformation de Maëlle. On voit ainsi le cheminement, le lavage de cerveau subit par la jeune fille, jusqu'à ce jour où elle se rend compte qu'elle s'est fait manipulée. Très vite, on a envie de comprendre et on se laisse emporter par son histoire. On sent le désespoir, la honte surtout de ses proches qui n'ont pas voulu voir, qui n'ont pas voulu ouvrir les yeux sur l'aveuglement de Maëlle/Ayat. Car se sont certes les yeux de celle-ci qui se sont fermés, mais se sont aussi ceux de son entourage. Heureusement Maëlle a la chance d'être entourée et aimée, et c'est ce qui la sauvera.

Même s'il est vrai que je ne suis pas parvenue à comprendre et à m'attacher au personnage de Maëlle, je suis ressortie de ce livre un peu plus informée mais aussi, malheureusement, un peu plus préoccupée quant à l'avenir. Avec son roman, pour lequel l'auteur s'est beaucoup documenté, Patrick Bard nous montre que cela peut concerner n'importe quel ado, qu'il ou elle soit de confession musulmane ou non. Il nous montre aussi que le seul moyen de lutter, à notre niveau, s'est en en parlant, en informant les jeunes surtout, sur les moyens mis en œuvre par les islamistes radicaux pour recruter.

Et mes yeux se sont fermés rappel un peu le roman de Dounia Bouzar, Ma meilleure amie s'est fait embrigadée, autre lecture a conseiller, sur le même sujet. 

"Ces ados ont déjà, à l'origine, une vision du monde plutôt sombre. Les types qui traînent sur le web à longueur de journée à la recherche d'une proie ferment une par une toutes les portes, une fois le gibier circonscrit. Toutes les portes, sauf une seul, le Shâm après la conversion à l'islam. Ils forgent en eux l'illusion d'un monde totalement hostile, entièrement livré aux forces du Mal. Ils renforcent l'auto-estime des jeunes en leur laissant penser qu'ils ont été choisis."

Et mes yeux se sont fermés, Patrick Bard, Syros, 2016 (208 pages)