samedi 9 juillet 2016

"Le Garçon au sommet de la montagne" de John Boyne

Paris, 1936. Pierrot, jeune franco-allemand, vit entouré de ses deux parents, de son chien d'Artagnan et de son ami Anshel, un petit garçon juif et muet. Si les jours qu'il coule ne sont pas toujours paisibles en raison du caractère violent de son père, traumatisé par la dernière guerre, Pierrot aime sa vie et surtout les moments qu'il passe avec son meilleur ami à inventer des histoires, lire et communiquer dans leur langue secrète. Mais un jour, un drame éclate entre ses parents et son père meurt brutalement quelque temps plus tard. Trois ans après, c'est sa mère qui succombe à la tuberculose. Pierrot est désormais seul et envoyé dans un orphelinat près d'Orléans. Son séjour y sera cependant de courte durée car sa tante Beatrix, qu'il n'a jamais vue, le réclame auprès d'elle. Beatrix est gouvernante dans une demeure située au sommet d'une montagne dans les Alpes bavaroises, le Berghof, qui n'est autre que la résidence secondaire d'Adolf Hitler. A son contacte, Pierrot, rebaptisé Pieter, va radicalement changer. Ce petit garçon de 7 ans, timide et intelligent, va devenir, au fil du temps, un petit nazi fier de lui-même, prétentieux, assoiffé de pouvoir et littéralement fasciné par Hitler. 

En à peine 300 pages (en plus c'est écrit gros!), John Boyne, dans la lignée du Garçon au pyjama rayé, nous plonge au cœur des ténèbres et parvient à dresser un tableau de l'époque avec un synthétisme exemplaire. De la montée de l'antisémitisme à l'aube de la seconde guerre, l'auteur nous décrit le cheminement douloureux de Pierrot, qui doit renoncer à sa vie d'avant, à son ami de toujours sous prétexte qu'il est juif, et même à son prénom, pas assez "allemand". Dans ce roman où tout sonne juste, on assiste ensuite impuissant à l'endoctrinement de ce petit garçon si attachant, seul et en mal d'amour. Manipulé comme un pantin par le führer, Pierrot/Pieter se transforme, petit à petit, en tyran aux idées étroites, jusqu'à commettre l'irréparable. Très prenant, le roman pose aussi plusieurs questions : comment un être gentil et innocent peut-il se transformer en monstre sans états d'âme? Comment et pourquoi décide-t-on de fermer les yeux sur des crimes effroyables? Peut-on se racheter de ses crimes? Bien sûr, l'auteur ne prétend pas y apporter de réponses mais la fin du roman, peut-être un peu expéditive (mais c'est un roman pour les enfants, n'oublions pas), apporte une note d'espoir dans toute cette noirceur. Un texte fort et percutant, qui parle aussi de résilience et de pardon.

"Ne fais jamais semblant de ne pas savoir ce qui se passait au Berghof. Tu as des yeux et des oreilles. Et, plus d’une fois, tu t’es trouvé dans ce bureau à prendre des notes. Tu as tout entendu. Tu as tout vu. Tu savais tout. Comme tu sais ce dont tu es responsable. […] Les morts que tu as sur la conscience. Tu es encore jeune, tu n’as que seize ans. Tu as la vie devant toi pour assumer ta complicité dans ces affaires. Ne dis jamais que tu ne savais pas. Ce serait le pire de tous les crimes.

Le Garçon au sommet de la montagne, John Boyne, Gallimard jeunesse, 2016

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