mercredi 23 décembre 2015

"Max Winson : la Tyrannie et l'Echange", de Jérémie Moreau



"Il n'a jamais perdu un match de tennis. Il est numéro 1 mondial depuis 7 ans, terrifiant vainqueur à la mine mélancolique, l'idole d'un peuple biberonné à la réussite... Mesdames et messieurs nous recevons le grand Max Winson !" 

Avec ces quelques mots tirés du tome 1 de la bande dessinée Max Winson, de Jérémie Moreau, nous voici  plongés au cœur de l'intrigue! Sous ses traits d'adolescent gigantesque et avec son air naïf et débonnaire, Max est le meilleur joueur de tennis au monde. Son succès et sa popularité sont phénoménales. Cela ne viendrait à l'esprit de personne de rater un match où joue Max Winson! Pourtant, derrière la gloire, se cache une vie bien réglée et complètement déshumanisée. Formaté dès la naissance par un père tyrannique, Max ne connaît rien d'autre que le tennis. Le terrain où il s'entraîne est sa chambre, et hormis les journalistes, il ne parle qu'à son recruteur et à son entraîneur. Mais les rouages de cette mécanique parfaitement huilée pourraient bien être perturbés par l'arrivée, dans sa vie, d'une jolie journaliste et d'un adversaire dont le sort est encore plus à plaindre. 

Avec son trait si particulier, un noir et blanc épatant et une mise en page très efficace, Jérémie Moreau signe là une œuvre, en deux tomes, remarquable. Si le premier tome est davantage porté sur les performances sur humaines de Max, le harcèlement psychologique qu'il subit et l'avidité de ses recruteurs, le second tome nous ouvre les portes du véritable Max! Sa désaliénation et sa remise en question sont touchantes et se traduisent en quelques cases et très peu de dialogue. Au contact d'un ancien champion de tennis et du petit garçon qu'il entraîne, Pedro, notre colosse aux pieds d'argiles apprend l'humilité, le respect de l'autre et surtout le partage.
     
Jérémie Moreau nous brosse, avec Max Winson, un portrait du sport sous tous ses angles. Glaçant et fascinant à la fois. La pression psychologique, la corruption sont des aspects bien réels mais l'auteur les dépasse et nous livre, au final, un bel hommage au sport et au tennis. Avec lui le tennis reprend son but initial celui de l'échange, au sens premier du terme, ou comment le sport peut-être un art, le jeu pour le jeu, et non plus une compétition.
   
                            
"Il y a bien longtemps, à l'aube du tennis, avant de servir, les joueurs devaient prononcer : "Tenez". Ce qui, au départ, était un "tenez" de politesse propice à l'échange pourrait être remplacé à notre époque par "Prends ça!" Imagine toi que jouer au tennis avec quelqu'un, c'est comme avoir une conversation avec cette personne [...] Le tennis est un art. C'est un art de l'échange." 

Max Winson, tome 1 et 2, Jérémie Moreau, Delcourt, 2013, 2014

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