mercredi 26 juin 2013

"Le Banc", Sandrine Kao

Alex est d'origine asiatique, de Taïwan plus précisément, mais pour la plupart des gens c'est un "noiche", un chinois. Il vit seul avec sa mère dans un appartemment un peu miteux car son père est parti vivre à Taïwan pour trouver du travail. Même s'il leur envoie un chèque tous les mois, les temps sont durs et la mère d'Alex ne peut plus payer la cantine. Il doit donc manger dehors, sur un banc, les plats qu'elle lui prépare. L'humeur d'Alex est plutôt maussade et pour arranger les choses, des inscriptions au Tipp-Ex apparaissent régulièrement sur le banc où il a l'habitude de déjeuner : "Alex bol de riz", "Alex face de citron", "Alex tronche de nem"... Seule Sybille, une de ses camarades de classe, est au courant et lui propose son aide pour trouver le coupable.
   

Sandrine Kao aborde plusieurs thèmes dans son roman: la question du père absent que gère difficilement Alex, celle de la xénophobie (en l'occurence, à l'égard des asiatiques) et des préjugés qui l'accompage, et celle de l'intégration ou non des élèves dans une classe. Beaucoup de choses donc dans ce roman d'une petite centaine de pages, mais tout sonne juste. Une histoire simple et sans prétention, au final plutôt optimiste et où une large place est faite à la cuisine asiatique! De quoi nous mettre l'eau à la bouche!

Le Banc, Sandrine Kao, Syros, "Tempo", 2013

samedi 15 juin 2013

"Plus tard je serai moi", Martin Page

"Nous te soutiendrons si tu décidais de devenir artiste", voilà ce que déclarent les parents de Séléna, un soir, alors qu'elle rentre du collège. C'est plutôt sympa de leur part, sauf que Séléna ne se sent pas du tout l'âme d'une artiste, d'ailleurs elle n'a jamais vraiment réfléchi à ce qu'elle aimerait faire plus tard puisqu'elle s'estime encore en construction. Considérant tout d'abord ceci comme une lubie de ses parents, résultat de leur passion soudaine pour l'art, Séléna ne s'inquiète pas outre mesure! Mais après le coffret d'aquarelles, l'appareil photo, la caméra et le piano que lui offrent ses parents, la situation devient plus préoccupante... et bat des records de ridicule le jour où ils décident de couper le chauffage et de manger uniquement des pâtes et des patates afin d'offrir une enfance difficile à Séléna. Car c'est bien connu, tous les artistes ont eu une enfance malheureuse et c'est dans le malheur qu'ils puisent leur inspiration!
                         
En très peu de pages l'auteur parvient à faire le tour de la question de l'orientation scolaire (certes, en poussant la caricature à l'extrême) et des problèmes de pression que cela peut engendrer chez les ados mais aussi chez leurs parents.
                                 
L'histoire est racontée par un narrateur omniscient (ça change du réçit à la première personne!), qui s'attache à décrire le processus de prise de conscience de l'adolescente en allant à l'essentiel. Car malgré tout, malgré la folie de ses parents, Séléna va comprendre plusieurs choses : qu'elle veut surtout être elle-même et ne pas se laisser enfermer dans une image et aussi qu'être parent ça doit sûrement être compliqué. Elle va donc finir par porter un regard indulgent et tendre sur eux et essayer de prendre un peu de recule. En fait, cette aventure va la faire mûrir et on peut dire que l'histoire ne se termine pas trop mal. A vrai dire, à la fin du roman, on se fait plus de soucis pour les parents que pour l'adolescente! C'est dur de vieillir! Bref, une lecture très sympa dont la morale pourrait être celle-ci : laissez le temps faire son  oeuvre! A conseiller à tous les ados qui ne savent pas trop où ils en sont!
                          

Plus tard je serai moi, Martin Page, Ed. du Rouergue, "Doado", 2013



mardi 11 juin 2013

"Il était mille fois", Ludovic Flamant et Delphine Perret


Cet album, paru aux éditions des Fourmies rouges, est une petite merveille! Il regorge de poésie et de nostalgie. On le lit avec le sourire et une pointe d'émotion car il réveille en nous mille souvenirs.
  
On a tous les mêmes : la mamie qui s'endort toujours devant la télé, le petit bobo au genou, le bisou sur la bouche sans faire exprès, le garçon qui montrait son zizi aux filles à l'école, la fille qui n'était jamais invitée aux anniversaires... Tous ces petits riens de la vie quotidienne qu'on a tous vécus, petits ou grands, tout ce qui fait la vie.
     
Chaque page nous renvoie à mille lieux de là, comme autant de madeleines de Proust! Le charme des premières fois, les petits événements dont on faisait toute une histoire, les copains, l'école, la famille... Il n'y a pas d'histoire à proprement parlé dans Il était mille fois, juste une suite de petits tableaux où l'on peut tous s'y retrouver à un moment ou à un autre, qu'on soit parent ou enfant, et c'est ce qui fait la force de cet album.
                               

Dans un petit format agréable à manipuler, les illustrations de Delphine Perret (traits fins et délicats rehaussés de quelques touches de couleurs à l'aquarelle) se marient parfaitement aux courtes phrases, simples mais au combien évocatrices, de Ludovic Flamant. Où comment avec trois fois rien, on fait une belle histoire.

Il était mille fois, Ludovic Flamant, Delphine Perret, Les fourmies rouges, 2013

samedi 1 juin 2013

"Wonder", R. J. Palacio

"Quand mes parents me demandent si ça va à l'école, je réponds toujours: "ça va" - même si ce n'est pas toujours vrai.Car la pire journée de ma vie, la pire chute, le pire bleu, la pire crampe ou la pire méchanceté qu'on m'ait jamais dite, ce n'est rien à côté de ce qu'August a dû subir."

August Pullman, 11 ans, est atteint d'une malformation faciale, un défaut génétique extrêmement rare. Jusqu'à maintenant c'est sa mère qui lui faisait l'école à la maison pour ne pas qu'il ait à subir le regard des autres : les enfants fuient à son approche et les adultes détournent le regard. Tout va changer pour lui le jour où ses parents décident de le faire scolariser dans un collège public réputé... D'abord terriblement angoissé et effrayé à cette idée, August va pourtant faire preuve d'un courage exemplaire pour tenter de s'intégrer et se faire des amis. Le chemin est difficile car il faut d'abord passer par l'étape du regard des autres. Déjà que le passage au collège est difficile pour un enfant "normal", imaginez ce que cela peut être quand on a un visage comme August! Les regards en coin, les messes basses à son passage, les moqueries, les déjeuners seul à la cantine... Heureusement, certains enfants parviennent à voir au-delà des apparences. August va alors découvrir tout un tas de nouveaux sentiments (excitation, déception, colère,...) et va peu à peu prendre confiance en lui et gagner en autonomie.
C'est donc toute son intégration dans ce collège, qui est racontée tantôt par lui-même, tantôt par sa sœur, ou ses amis... Différents points de vue, tout aussi touchants les uns que les autres, qui permettent de mieux appréhender la situation : celle d'August, son histoire, sa famille et comment la vie s'est organisée autour de lui, mais aussi celle de ses proches. Sa sœur, notamment, qui sait qu'elle ne doit pas se plaindre mais qui a pourtant ses propres problèmes d'ados qu'elle garde le plus souvent pour elle. Wonder n'est pas qu'un roman sur le handicap, c'est avant tout le récit d'une initiation, celle par laquelle nous devons tous passer un jour pour grandir.
C'est un livre vraiment touchant et intelligent qui fait toute la place aux sentiments des personnages principaux et les décrit avec une grande justesse. La narration est dynamique, la lecture est du coup assez souple et agréable. Pas du tout larmoyante, cette histoire est plutôt  ce qu'on pourrait appeler un roman feel good! On se sent bien à la fin de l'histoire, une vraie happy end à l'américaine qui se termine avec la distribution des diplômes de fin d'année, comme il se doit!

Wonder, R. J. Palacio, Pocket Jeunesse, 2013