samedi 24 novembre 2012

"Les aventures d'Alexandre le gland", Olivier Douzou

Attention! Gland livle! Cette histoile vous fela chaviler de plaisil, lile et soulile!
Vous ne comprenez rien? Pas de panique, voici un petit résumé, qui ne retranscrira certes pas la richesse du livre mais qui vous donnera, j'espère, un léger apperçu.
Alexandre, un gland, vit tranquillement accroché aux branches d'un grand chêne. Le temps passe et l'heure est venue, pour lui, de descendre de l'arbre pour perpétuer l'espèce. Mais Alexandre ne veut rien entendre : « Je ne sautelai point et continuelai/ à m’acclocher fièlement pal ma cupule/ au noble chêne à la sève si pule. » Car, Alexandre est un gland qui roule les "r" et, de surcroît, fait des rimes. (Donc, à ne pas confondre avec Alexandre le grand même s'il se présente ainsi: "Alexandle, du gland chêne loi des folêts le descendant.")
Blef! euh... Bref! Alexandre doit descendre et faire son trou dans la forêt pour devenir chêne à son tour. Le problème c'est qu'il veut rester dans l'arbre car il ignore tout de la façon de faire des trous : « Je suis gland, celtes, mais flanchement, j’avoue mon manque de coulage, la chute, soit, mais aplès ? ». Point de clémence pour le gland Alexandre, secoué de toutes parts, malmené, il chutera inexorablement.
Heureusement, dans sa cupule nichait un certain Philotéas, le vers philanthrope qui parle en rime et alexandrins (ah! ah!). Philotéas, en vers fidèle, le guidera dans sa quête du trou. Cette quête sera semée d'embûches (c'est le risque quand on chemine dans la forêt) et Alexandre aura bien du mal à faire son trou! Bogues-sœurs chanteuses, noix qui cite Victor Hugo, escargot au parlé trainant, noisette qui zozote, fourmi militante, pantin de bois... les rencontres sont riches ou dangereuses, parfois absurdes, mais toujours pleines de surprises! Grandir n'est pas de tout de repos. Car, le propos est bien là. Tomber de l'arbre c'est comme quitter le nid pour vivre sa propre vie, c'est long et c'est compliqué!
Les enfants trop pressés de grandir se font pourtant rappeler à l'ordre dès le début du livre par l'auteur : "Vous autres les enfants avez - reconnaissez-le - particulièrement de la chance d'avoir des parents bienveillants qui vous guident et vous préviennent de tous les dangers. Quand, comme Alexandre, on est un fruit, on ne sait effectivement rien de ce qui nous attend." Ces apartés qui ponctuent régulièrement le récit pour le commenter, sont aussi d’habiles clins-d’œil aux morales des contes ou des fables d’antan ! "Chers petits lecteurs, méditez ainsi comment à force de louanges et de promesses bien placées il est aisé de transformer la vanité en candeur. Nous l'allons prouver tout à l'heure".

Plein de références littéraires (les fables de La Fontaine, notamment), de jeux de mots, d'humour et d'inventivité, ce conte est un bijou de fantaisie, une ode à l'imagination et au langage! Les illustrations au crayon papier rehaussées, par endroit, de rouge sont un vrai régal. Laissez-vous donc sulplendle au détoul des pages de ce conte légèlement décalé !
Alexandre le gland, Olivier Douzou, Ed du Rouergue, 2012

mercredi 14 novembre 2012

"Les trois vies d'antoine anacharsis", Alex Cousseau

C’est une histoire de famille, une histoire de trésor caché… ça parle d’océans, de flibustiers, de liberté, d’amour, de renaissance… tout cela à la fois !
Taan vient d’une famille qui a toujours vécue sur une petite île au large de Madagascar, Nosy Boraha. Un jour pourtant, un bateau de la flotte anglaise heurte la pirogue sur laquelle se trouvaient sa mère, alors enceinte de lui, et son père. Les voilà captifs d’un marchand d’esclaves. Alors que Taan est encore dans le ventre de sa mère, celle-ci lui raconte tout ce qu'elle voit. Taan entend tout et se souvient de tout. Par une nuit de tempête, le bateau fait naufrage, et  les parents de Taan avec. Lui, va naître dans l’océan, mis au monde par le Kraken... Avant de mourir, sa mère a pris soin de lui transmettre le médaillon de ses ancêtres qui contient un cryptogramme révélant l’emplacement du trésor du célèbre pirate Olivier Levasseur…
Un an plus tard, en 1832, Taan est recueilli dans les filets de Blind, un vieux pêcheur qui vit à Antigua, au large d’Haïti. C’est sa deuxième vie qui commence. Taan est prénommé Antoine et racontera plus tard à Blind l’histoire sa naissance et du trésor. Dès lors, Blind et lui n’auront de cesse de déchiffrer le cryptogramme et chercher ce fameux trésor, quitte à prendre des risques et à y laisser leur santé. En 1848, ils partent pour l’Amérique, à la rencontre d’Edgar Poe, alors célèbre pour son talent de décrypteur. Sur leur chemin, ils vont être séparés mais Antoine continue sa route et croise toutes sortes de personnages ayant vraiment existés : Edgar Poe donc, mais aussi les sœurs Fox, Phineas Gage… et d’autres plus fictifs : négriers, indiens, voyous… Essuyant déceptions et coups durs Antoine décide de ne plus penser à cet obsédant trésor et s’embarque en1865 sur un baleinier. Là, il devient Antoine Anacharsis et débute sa troisième et dernière vie. C’est aussi sur ce baleinier qu’il va rencontrer l’amour et trouver le vrai trésor…
Avec une écriture toujours aussi impeccable et une grande habileté, Alex Cousseau parvient à jongler avec une multitude de lieux et d’époques, significatifs du 19ème siècle. En effet, commerce triangulaire, pirates et flibustiers, abolition de l’esclavage, conquête de l’ouest américain, sont brillamment évoqués au fil du voyage d’Antoine. Il y a de l’aventure dans ce roman, mais aussi du fantastique, et ce mélange des deux fonctionne à merveille. Comme dans tous grands romans d’aventure, l’auteur n’oublie pas la part de mystère, de rebondissements, et de paysages exotiques ! La part d’apprentissage n’est pas en reste non plus et les obstacles qui vont se mettre en travers de la route d’Antoine ne sont pas sans rappeler le schéma du conte. Un beau roman d’aventure où l’évasion est au rendez-vous!
Les trois vies d’antoine anacharsis, Alex Cousseau, Rouergues, "Doado", 2012