mardi 11 septembre 2012

"Le faire ou mourir", Claire-Lise Marguier

Dam va avoir 16 ans. Depuis qu'il est tout petit, tout le monde l'appelle Dam, mais son prénom c'est Damien et il se sent comme une moitié de personne... Au collège, on l'ignore royalement, il n'existe pas. Chez lui, sa soeur et ses parents se moquent constamment de lui, car il est très sensible, il a peur de tout. Il endure les moqueries, les critiques et les coups depuis longtemps. Bien trop longtemps. Un jour, un groupe de "skatteurs" s'en prend à lui dans la rue. Samy, le chef du groupe de "gothiques" de son collège, lui vient en aide. S'ensuit alors une grande et intense amitié, mais pour Damien, ce jour marque surtout la fin de son insignifiance aux yeux des autres et à ses propres yeux.

Comme beaucoup d'adolescents, Damien a du mal à trouver sa place. Il ne parvient pas à s'affirmer, noyé sous les remarques dédaigneuses de son père qui lui reproche sa sensibilité et son manque de virilité. C'est un peu un souffre-douleur dans sa famille et au collège. Pour évacuer cette souffrance et la rancoeur qu'il contient et qui l'étouffent, il se scarifie. Le sang qui s'écoule, c'est une libération pour lui : "Si je le fais pas, tout ce que j'ai à l'intérieur risque d'exploser". Sa rencontre avec Samy et sa bande va heureusement tout changer. D'abord, il trouve enfin des gens qui l'acceptent comme il est (avec, tout de même, une petite transformation physique et vestimentaire! ), mais surtout il trouve en la personne de Samy quelqu'un d'attentionné, de prévenant et de tendre. Et au-delà de tout ça, Samy le comprend mieux que personne. Tout ce dont il a cruellement manqué ces derniers temps. Dam n'est pas homo, non. Il aime Samy, c'est différent. Et Samy l'aime. C'est dans la description de cet amour entre lui et Samy que Claire-Lise Marguier nous offre les plus beaux passages de son roman : "Il a passé ses bras autour de ma taille. Moi je regardais par terre. Je l'aimais bien Samy, non, je l'aimais beaucoup, mais ce qu'il allait faire ça m'a foutu la trouille. Je suis pas homo, j'ai dit pour m'expliquer. Tant mieux, il a dit, moi non plus. Mais j'ai très envie de t'embrasser quand même. [...] il a pris mon menton entre ses doigts pour m'obliger à le regarder, comme dans un de ces films que je ne regarde plus depuis longtemps, et il m'a embrassé. Sur la bouche, je te jure. J'ai eu mal au ventre, d'un coup."

Claire-Lise Marguier, dont c'est le premier roman, semble littéralement habiter ce personnage d'écorché vif. Tout est cohérent et tout se tient dans son livre: le mal-être de Damien, les tourments liés à l'adolescence, le sentiment d'injustice qu'il ressent face un père tout puissant et autoritaire, son amour pour Samy... Elle parvient même à nous montrer d'une façon originale, les conséquences que peuvent avoir un mal-être trop profond chez un individu, une amertume et une rancoeur trop longtemps contenues, un trop plein de mots impossibles à évacuer... Comment un rien peu suffire, parfois, pour le faire basculer dans l'irrémédiable.
Une histoire forte, où l'émotion affleure à chaque phrase, et qui marque durablement.

Le faire ou mourir, Claire-Lise Marguier, Ed. du Rouergue, "doado", 2011