mercredi 26 septembre 2012

"Choisis quelque chose, mais dépêche-toi!", Nadia Budde

ou Souvenirs de Berlin-Est en dix chapitres

Un petit coin d'enfance, pas si rose et innocent que ça,  qui s'adresse surtout à ceux qui l'ont laissée derrière eux.

Dans Choisis quelque chose, mais dépêche-toi!, Nadia Budde réalise un très bel hommage à son enfance passée en RDA, quelques temps avant la chute du mur de Berlin. Tout part du souvenir d'une banderole, placardée un matin, sur le mur de l'immeuble d'en face, alors qu'elle était toute jeune : "Debout là-dedans! Votre pays de grands-parents à la con ça suffit!" Bien sûr, étant encore une enfant, elle n'avait pas saisie la raison pour laquelle on traitait ses grands-parents de cons! Elle évoque alors ses grands-parents, et l'ambiance de ces instants passés avec eux à la campagne. Le grand-père en bleu de travail et pantalon en velour côtelé, la cage aux poules fabriquée avec un panneau du parti, les fleurs, le jour de la fête des femmes, les soirées passées devant la radio à écouter la météo...

Dans une deuxième partie, intitulée "Être enfant", elle parle (et dessine) des immeubles construits avec des mobiles dans les années 70 dans lesquels elle a grandit, la vitesse de l'urbanisation, les bêtises et les peurs. "Être enfant c'était: tomber, crier dans un tunnel, faire pipi dans l'eau du bain, avoir des poux, ne pas marcher sur les bords des dalles de trottoir, porter des lunettes, faire de la balançoire et vomir, ne pas mettre les mains dans la terre! [...] avaler ses crottes de nez, bouffer ses croûtes, manger de l'oseille, pleurer, cueillir des fleurs..." Bref, une enfance universelle, qu'on soit d'un côté ou de l'autre du mur.

La dernière partie de son livre est d'ailleurs consacrée à la fin de cette enfance. Au moment où on nous dit qu'il est l'heure de choisir et qu'il faut se dépêcher. Une dernière partie un peu sombre, où la mort est très présente. En fait, la mort est présente tout au long du livre. Cette mort avait alors deux visages dans son imagination : la mort des champs et la mort des villes, puisqu'elle la voyait partout, à la ville comme à la campagne, et à chaque instant. "Lorsque l'on a grandi dans un étang agité, plus tard on est toujours préoccupé, et on a moins de temps pour raconter les histoires." Et ça, c'est un peu la conclusion du livre. D'où peut-être aussi le choix du roman graphique.

Avec quelques détails, quelques souvenirs, des odeurs, des anecdotes, Nadia Budde, réussi a reconstituer son univers qui, bien que tiré de son histoire personnelle et dans un contexte particulier, nous parle à tous.

Choisis quelques chose, mais dépêche-toi!, Nadia Budde, Ed. de l'Agrume, 2012

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