mercredi 29 août 2012

"Traverser la nuit", Martine Pouchain

"Pour voir resplendir l'aube"...


Vilor est flic à Etrenjoie, un bled paumé en Picardie. Les journées s'étirent au rythme des verres de gnôle et des conversations au zinc de l'unique bistrot d'Etrenjoie. Le sujet des conversations tourne souvent autour d'une seule et même personne, Blanche, une beauté juvénile sur laquelle tous les hommes se retournent et perdent la tête... C'est le meurtre du maire, qui se trouve être aussi le père de Blanche, retrouvé égorgé et noyé dans la fontaine du village, qui va mettre Etrenjoie en émoi...
Qui est donc le meutrier de Jacques Jaron? Dans ce village où tout le monde connaît la vie de tout le monde et s'observe, il est difficile de garder un secret... On suit le déroulement de l'enquête au travers du regard de Vilor, qui raconte l'histoire comme il l'a vécue. Il commence d'ailleurs le livre comme cela : " "A quoi ça sert d'inventer des histoires, alors que la réalité est déjà tellement incroyable?" C'est une détenue de je ne sais quelle prison pour je ne sais quel crime qui a dit ça un jour. Et c'est exactement ce que j'ai pensé quand j'ai eu envie de vous raconter la mienne, d'histoire."

Ce qui fait la richesse de ce livre, c'est cette palette de personnages imparfaits mais attachants à l'accent à couper au couteau, l'ambiance parfaitement restituée de ce village picard avec son histoire, ses coutumes et son pâtois, mais aussi la personnalité tourmentée du narrateur.

L'enquête devient alors prétexte à la description de toute ce petit monde qui gagne en épaisseur au fil des pages. Secrets de familles, violences, misère, au final le roman ce révèle d'une densité prenante. L'écriture de Martine Pouchain atteint une dimension nouvelle où le parlé très imagé de Vilor, frôle par moment la poésie, notamment pour décrire les atmosphères : "J'ouvre la lucarne pour laisser entrer les étoiles. J'ai dans l'idée qu'elles se sentent ici comme chez elles. Un agnus dei ruisselle dans l'air tiède, tapisse le soir de son vernis liturgique et le paysage aussitôt se transfigure, mute cathédrale. La faune nocturne commence à s'aventurer hors des terriers, et ses chuintements, glapissements, hululements se mêlent aux trépidations de l'orgue."

L'atmosphère devient, au fil des pages, de plus en plus pesante et l'intrigue, fort bien menée de bout en bout, jusqu'au retournement final, se révèle plus surprenante que prévue! Mais je ne dirai rien. Que si in meule deminde*!

* Que si on me le demande

 Traverser la nuit, Martine Pouchain, Editions Sarbacane, 2012